Pourquoi nous avons commencé le Projet Poka-Poka ?
Le 13 Janvier 2012
Depuis que le gouvernement japonais a décidé d’appliquer le critère de 20mSv/an pour délimiter les zones d’ évacuation autour de la centrale, les ONG ont surenchérit en demandant des « zones optinionelles d’ évacuation », qui permettraient aux habitants de faire leur choix. Cependant le gouvernemnt n’a pas changé d’attitude, causant d’ énormes souffrances aux habitants de Fukushima et notamment aux résidents du district de Watari.
Air radiation levels in Watari District, June-July, 2011
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Le district de Watari, dans la commune de Fukushima, est situé à 60km de la centrale nucléaire Fukushima-1. 1600 habitants soit 6700 ménages habitent dans cette zone résidentielle au bord du fleuve Abukuma, entourée de forêt et de montagnes. La partie centrale de la ville de Fukushima, où l’office du gouvernment préfectoral est situé, est accessible en quelques minutes à pied.
Le gouvernement a ignoré les demandes des habitants inquiets
Il était évident que le niveau de radioactivité dans le district de Watari était élevé depuis longtemps. Par example, en juin 2011, une étude a enregistré un niveau de 3.2 à 3.8 µSv/heure dans les sections de Hiragamori et de Omamezuka du district. Au moment des négociations du 30 juin, les ONG ont demandé que le gouvernement désigne immédiatement le district entier comme une zone spéciale d’ évacuation, ou au moins que des sessions d’information soient organisées pour les résidents. Toutefois, l’Etat a simplement répondu qu’il va améliorer la qualité de monitoring de radioactivité.
Plus tard, au début de juillet, une étude gouvernementale a reconfirmée que le district de Watari était sévèrement pollué. Dans une autre session de négociation qui a eu lieu le 19 juillet, les ONG et les résidents de Watari ont encore une fois soulevé ce problème et répété leurs inquiétudes face au gouvernement. Les groupes civiles ont réclamé que le gouvernment organise des sessions informationelles pour que les résidents puissent comprendre les risques de radiation et décider eux-mêmes de leurs évacuations. Ils ont aussi demandé à ce que des compensations couvrant les frais de refuge soient payés aux résidents. Mais le gouvernement a encore fait la sourde oreille.
Le 24 juillet 2011, la ville de Fukushima a commencé un projet de décontamination, qui consistait à enlever la première couche de terre recouvrant le sol des écoles primaires et de leurs alentours avec l’aide de bénévoles. Toutefois, ce projet n’a pas donné de résultats satisfaisants. Selon une étude de la mairie de Fukushima, bien que quelques points d’observation aient enregistré des niveaux moins élevés de radioactivité après la décontamination, d’autres ont donné des chiffres plus élevés qu’auparavant. Le niveau de radioactivité est resté élevé, avec un taux de 2.0 µSv/h en moyenne. Le taux de diminution de radioativité dans l’air, même mesuré immédiatement après la décontamination, n’a pas dépassé les 30%.
Du 18 au 22 août, l’Etat a finalement conduit une étude détaillée afin de décider si certains des ménages d’Oguraji dans le district de Watari doivent être désignés individuellement en tant que « points » spéciaux d’évacuation . Mais cette étude couvrait seulement une petite partie du district et concernait seulement un dizième de tous les ménages habitant dans la zone.
Les ONG répondent aux besoins des gens
En septembre, Citoyens contre les Centrales Nucléaires Vieillissantes de Fukushima (Citizens against the Fukushima Aging Nuclear Power Plants) et Friends of the Earth Japan ont organisé une série de séminaires sur le niveau de radioactivité à Watari, les problèmes des politiques d’ évacuation de l’Etat, et les risques de santé dûs aux expositions radioactives de bas niveau et interne. 310 habitants ont participé à ces séminaires et ont intensivement discuté. Ces occasions ont révélé que beaucoup d’habitants hésitaient à fuir à cause de leur emploi et de leur situation familliale, même s’ils étaient constamment inquiets du haut niveau de radioactivité. De plus, ces gens n’auraient apparemment pas été contre une évacuation si le gouvernment avait permis de trouver des refuges ou garantit les dépenses de leur déplacement.
En outre, le 14 septembre, ces deux ONG ont conduit une étude sur les niveaux de radiation dans l’air et au niveau du sol du district, avec l’aide du professeur Tomoya Yamauchi (université de Kyoto). L’ étude a non seulement confirmé que le niveau de radiation dans l’air restait élevé, mais aussi que la terre était gravement polluée ; le niveau de radiation, qui a enregistré 4 sur une échelle de 5, était équivalent à celui des zones d’évacuation forcée au Belarus et en Ukraine après le désastre de Chernobyl.
A gauche : les niveaux de radiation dans l’air dans le district de Watari
A droite : les niveaux de radiation au sol (le 14 septembre 2011) (click to enlarge)
Des autorités inactives et des habitants en colère
Le 8 octobre, le gouvernement japonais et la ville de Fukushima ont enfin organisé une session informative pour les habitans des districts d’Oguraji et de Watari. Mais seulement un dizième des ménages concernés ont été avertis de l’évènement. Au début de la session, les autorités ont présenté les résultats de leurs études détaillées. Deux ménages auraient dépassé la limite de 3.0µSv/h (équivalente à 20mSv/an, la dose limite de sécurité décidée par l’Etat ), mais n’auraient pas été désignés pour être évacués parce qu’ils n’auraient pas manifesté leur désir de fuir. La présentation continue en affirmant que les autres ménages n’étaient pas des points spéciaux d’évacuation car le niveau de radioactivité ne dépassait pas la limite. Enfin, selon ce rapport, les travaux de décontamination sont présentés comme des solutions privilégiées pour améliorer la situation.
Les habitants étaient indignés, d’autant que le gouvernement et la ville ont décidé ces politiques sans écouter leurs inquiétudes ou demandes. Leur colère était si grande qu’un habitant de Watari en a été étonné : « c’était la première fois que je voyais les gens aussi en colère, d’autant plus que ceux de Fukushima sont normalement très calmes et timides ».
Ci-dessous, quelques opinions que les habitants du district de Watari ont exprimées :
- « Les études couvrent seulement une partie du district de Watari. Ce qu’il faut c’est une étude qui englobe tous les ménages. »
- « La ville de Minami Soma utilise le critère de 2.0µSv/h pour désigner les points spéciaux d’ évacuation des enfants et des femmes enceintes. Pourquoi la ville de Fukushima n’adopte pas le même critère ? »
- « J’ai trouvé beaucoup d’endroits où le niveau de radiation dépasse 10µSv/h. »
- « Quand allez-vous enfin commencer la décontamination ? »
- « Il faudrait évacuer les enfants temporairement jusqu’à ce que la décontamination soit faite.»
- « Les ménages qui veulent évacuer devraient pouvoir le faire et recevoir des compensations.
Ceux qui restent devraient aussi être dédommagés. »
- « Je voudrais que le district entier soit désigné en tant que zone spéciale d’ évacuation .»
- « Organisez une autre session pour tous les habitants de Watari .»
Mais l’Etat et la ville ont refusé de répondre clairement à ces demandes.
Le 28 octobre, les habitants de Watari, frustrés, sont venus à Tokyo et ont participé à une session de négociation avec les responsables gouvernementaux, en particulier ceux de gestion de crise nucléaire, du ministère de l’Education, du Sport et de la Culture, et de la commission de sécurité nucléaire. Toutefois, bien que les responsables aient mentionné qu’ils considéreraient sérieusement les demandes des résidents, ils ont refusé de promettre des changements politiques concrets.
Jusqu’ à ce jour, les autorités continuent de promettre qu’ ils « effectueront des décontaminations complètes». Mais on peut douter des effets de la décontamination lorsqu’on prend en compte la spécificité géographique de Watari. En effet, les cours d’eau des montagnes apportent constamment des éléments pollués des montagnes jusqu’au district. Un autre problème fondamental est l’incertitude quant au commencement de la décontamination ni combien de temps elle durera.
Une évacuation temporaire pour les enfants!
Le gouvernement a contraint les enfants et les femmes enceintes à rester dans la région avec comme excuse que la décontamination va être effectuée. Il ne serait pas entièrement faux de dire que ceci est une violation des droits de l’homme. Même maintenant, les enfants de Watari vivent, étudient et jouent dans cet environnement sévèrement pollué. Ce qui est important en ce moment est de promouvoir leur évacuation jusqu’ à ce que la décontamination donne des résultats sastisfaisants.
C’est face à cette situation que le « Projet poka-poka pour les enfants de Fukushima » a commencé. Ce projet est conduit par Sauvez les enfants de Watari (Save Watari Kids), le Réseau de Fukushima pour Sauver les Enfants de la Radiation (Fukushima Network for Saving Children from Radiation), Citoyens contre les Centrales Nucléaires Vieillissantes de Fukushima (Citizens against the Fukushima Aging Nuclear Power Plants) et Friends of the Earth Japan. Le projet couvre le district de Watari aussi bien que ceux de Onami, Nankodai et Oguraji, et a pour objectif de minimiser l’exposition aux radiations des enfants et de leurs familles qui ne peuvent pas évacuer pour des raisons socio-économiques. Si le projet donne de bons résultats, il sera élargi pour que d’autres districts de la ville de Fukushima en bénéficient aussi.
En même temps, FoE Japan et les autres groupes continuent d’insister pour que le gouvernement change les politiques d’évacuation. Le critère d’évacuation de l’Etat, qui est de 20mSv/an, est presque quatre fois plus élevé que le critère limite appliqué dans des zones de radiation contrôlée . Il est nécessaire de reconsidérer le critère même, la base des politiques.
Ce problème ne concerne pas seulement Watari, mais aussi Fukushima et le Japon entier. Nous vous demandons votre soutien pour protéger les enfants de Watari, et vous remercions d’avance pour votre amabilité.